Oui, il y a eu quelque chose de très magique dans cette brève rencontre. Sa question surprenante tombée comme ça, comme d’un ciel qui renversait toute son envie de pleuvoir sur la terre parisienne pour la nourrir, pour la fertiliser, pour la rendre joyeuse, pour lui rappeler que la vie est là, dedans nous et autour de nous, sa question, je disais, tourne ma pensée vers la maison d’enfance où mon papa demandait, soucieux de mon quotidien :
– As-tu déjeuné aujourd’hui ?
Ah, cette question qui se pose rarement à Paris, si rarement qu’elle ne peut pas m’échapper. Enfin, je me suis dis, voici un homme normal, qui réfléchit.
Soyons vivants donc, mais justes. Cet homme n’est pas Parisien, mais Oriental. Il réfléchit autrement. Il se comporte différemment. Il…
Nous deux sous le soleil désenchaîné des nuages. Un soleil souriant. Apparemment ? Sûrement ? Peu importe. Il est là. Il respire en humant ma main, mes cheveux, ma chair.
Lui, c’est un homme. Lui, peut être aussi mon frère aîné que je n’ai eu jamais.
Son récit jaillit dans l’air comme les guerres qui ont saccagé son pays. En face de nous, un cygne noir ! La beauté de son plumage s’élance à la rencontre de nos regards.
Il me parle. Sa révolte coule posée, prenant la voix d’un petit et doux ruisseau. Voix qui veut crier la paix et l’amour de son âme. De sa chair, il m’envahit un arôme familier de pain aux couleurs bleu-ciel de ses yeux.
Pain de paix et d’amour à faire renverser des cieux une fois avec les gouttes nourrissantes de pluie tombante.
Pain à restituer au Monde.
Paris, le 11 mai 2019
Illustration :Edmond Desca, La Mort du lion (1913)
Photo prise au Parc Montsouris, Paris 14e