Triste je le suis, mon Ami

Aujourd’hui je suis triste, mon Ami aimé.

Il y a quelque chose dans ce monde qui ne va pas. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ma vie. Tout ce qui m’entoure me rend triste. L’ordre du monde dans lequel nous vivons, troublé par de violents orages, m’attriste. L’ordre même de ma vie, orage turbulent sans fin, m’attriste.

Tu me demandes pourquoi je suis si acharnée au travail… Tu me demandes si je vais travailler même aujourd’hui.

Le travail est ce que j’ai hérité de mes parents et des parents de mes parents. Le travail est la chose qui donne un sens à ma vie. Le travail, comme l’amour, est la raison d’être pour une femme, c’est sa terre ferme, son talisman de bien-être, de ses besoins de certitude, c’est sa part de vérité.

Et pourtant aujourd’hui je suis tellement triste ! La tristesse de ce monde m’attriste. La tristesse de ce pays qui est aussi triste que la tristesse de ma patrie, m’attriste.

Ce printemps qui m’enchaîne loin de ma terre m’attriste.

Aujourd’hui il fait beau, le soleil s’est levé des griffes des nuages, je devrais être contente, mais je ne le suis pas.

Le goût des orties dans mon jardin me manque, mon cher Ami. Là, dans la cour de la maison de ses parents, le printemps avait le goût des orties à l’ail et à la polenta. Mon pays me manque, mon si éloigné Ami. Mon jardin abandonné il y a un demi-siècle me manque bien aussi. Ma terre que je n’ai pas labourée depuis longtemps me manque tellement…

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Non, je ne vais pas travailler aujourd’hui, mon Ami.

Aujourd’hui, je vais me retirer dans mon temple pour que l’oracle de Delphes me dise : où me suis-je trompée ?

#deTeiu

Paris, le 2 Avril 2022