Au souvenir d’Eric Meyleuc,
ce cher ami,
quelques uns de ses poèmes…
Sur le chemin de mes pas
Je suis comme la rose du matin
qui pleure sa rosée
à la fraîcheur de l’aube
frémissante et blême
sur laquelle les paupières de la nuit
laissent encore
difficilement
transparaître
la promesse d’un jour éclatant
à la faveur d’un soleil radieux et coquin
qui s’amusera à éclabousser la rose
encore humide
pour la cuire
en des reflets chatoyants
d’un rouge délicieusement velouté.
années 90, Les Lilas
Le petit matin, au café
La figure fouettée par
la fraîcheur du petit matin
coquin
vous invite dans le café d’en face
une bonne liqueur
câline
vous racle la gorge
ainsi assainie des cigarettes de la veille
enfin
viennent les premiers mots
retors
du coquin matin
la voix se faisant plus
suave
compréhensible au serveur du matin
le paraître semble alors plus
sociable
et l’ours du matin
évanoui
Eh ! salut Dédé
années 90
La danse du métro (1)
– Pardon, pardon
– Eh ! doucement
– Soyez polis
– Je vous parle poliment
– Oui, c’est ça
– Qu’est-ce qu’il fout ce métro ?
– Quelle heure est-il ?
– 9 h 02 et 52 secondes, 53, 54, 55, 56,… 9 h 04 ?
– Bon sens !
– Excusez-moi…
– … vous pourriez laisser descendre
– Vous pouvez vous…
– …poussez-vous vers le fond !
– Aaaaïe !
– Vous pourriez faire attention !
– Quelle idée de rester dans le passage, aussi !
– Non !
– On ne monte plus !
– Vous pourriez me laisser passer, j’ai un train…
– Dans un ¼ d’heure, 13 minutes, 12, 11…
– Non !
– Nom d’une pipe !
– Je vais être en retard !
– Si, celle-là, elle ne remue pas plus vite ses fesses…
– Vous permettez, oui !
– Oui, eh bien, moi aussi !
– Je peux ?
– Non mais ! ça va pas, là, non ! mais…
mais non… mais non vraiment…
– Non vraiment, c’est pas possible !
– Vous êtes vraiment pas sympas.
– Si j’ai envie ! ok ?
– Touche-moi encore et on va voir !
– Non mais ! attends
– Elle est pas bien celle-là !
– Elle prend ses désirs pour des réalités
– Eh ! tu as vu, elle est bien mouillée celle-là !
– Pardon ? Pardon ! Pardon…
– Pardon… s’il vous plaît, pour la musique
– Pfff ! Encore un précaire ; c’est le troisième de la matinée
– Ah ! le métro
– Y en a de plus en plus !
– Il m’empêche de penser
– Moi, je trouve que ça met de l’ambiance
– Merde ! mon porte-feuille
– Ha ! ha ! ha !
juillet 2001
Pourquoi tout d’un coup
tout d’un coup
tout s’emballe
dans ma caboche
affolement
mauvaise sensation
vertige
peur du vide
qui s’ouvre devant soi
et dont on ne sait pas
ce qui va le remplir
s’il sera jamais
rempli
de notre vie
et toujours indéfiniment
quoi que l’on fasse
de quelque façon que l’on se débatte
pour le remplir
il est toujours là
devant nos yeux
clair comme l’immensité de la nuit
rendue à sa virginité immatérielle
tableau noir où
dans une jouissance sans nom
telle une caresse voluptueuse
viennent s’inscrire les ombres lumineuses
de notre imagination
inhumainement morale
[ou humainement immorale] (2)
le vide immatériel de l’automne 2002
XXX
Décorum mouvant
de lignes brisées
personnages perdus
à la recherche de leur image
enfuie
dans les arcanes
de l’inspiration à vivre
ce désir d’être
enfoui
dans la violence
des frustrations de ne pas être entendu
perfides échos
réfugiés
sous les arcades de notre mémoire
Les frustes en sortent pour nous tancer
et nous piquer
des éclats de rêve coupable
où se mirent nos remords
2003
Ouate rose
un souvenir de ouate rose
rêve recyclé par deux puissantes cheminées
d’où s’échappe
hallucinant
cette voûte refluorosée
poussée froidement
par le soleil levant de l’hiver
à se déverser démesurément
au-dessus des eaux vert-d’égoût
le long de leur cours urbain
où se mire la lumière matinale
unichromerosée
par ce tunnel molletonné
sous le regard bluffé
du pont qui le traverse
regret de n’avoir que l’image rendue à l’impression
face à la puissance de l’instant vécu
novembre 2004
Comment faire…
Comment faire pour ne pas partir
loin
dans les marécages de la torpeur
et surtout
comment en revenir
ne pas y rester enfoncé
dans le confort d’un sable douillet
celui du temps qui passe
qu’on laisse couler
creuser son lit
et nous réduire en poussière
de sédiment bien fertile qui viendra
nourrir cette nature avec qui
le temps joue
voluptueusement
condescendant
éternellement
ironique…
Réveille-toi !
Soldat !
Apprête-toi !
anarche-toi du mors du combat
il sera toujours temps
de faire le mort après
2001
Notes :
(1) Poème traduit et paru dans l’anthologie bilingue français-roumain Voix sans frontière/ Voci fara hotare, 55 poètes de cinq continents, 2010